Des manifestations publiques de masse se sont tenues dans la capitale égyptienne, au Caire, exigeant la libération des hauts responsables des Frères musulmans, dûment nommés aux élections, et insistant sur leur retour à leurs fonctions assignées. La mort d'au moins 120 personnes et la blessure d'environ 4500 autres après le massacre perpétré contre ceux usant de leur droit "à la protestation démocratique et pacifique" par la junte actuelle le 27 juillet ont créées un malaise considérable à travers le monde.
Alors qu'on s'attendrait au soutien des démocraties à un moment où il y a un grand besoin de paix au Moyen-Orient, les événements dont nous avons connus en Égypte ces derniers jours semblent présager une nouvelle ère qui peut conduire le Moyen-Orient dans une plus grande agitation.
Se référant au dernier massacre, le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, a dit qu'elle "regrettait profondément" l'incident et a réclamé la fin de la violence. Le ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, a appelé les autorités égyptiennes à "reconnaître le droit de manifester pacifiquement et de traduire les responsables du carnage en justice". Le porte-parole du Département d'Etat américain, Patrick Ventrell, a publié une déclaration similaire. Toutefois, ces déclarations ne visent pas à changer le cours des événements, à donner un nouvel élan et ne vont pas au-delà des expressions d'espoir.
Dernièrement, la qualification des manifestations pacifiques comme "menace pour la sécurité nationale" d'Ibrahim, le ministre de l'Intérieur égyptien, est inacceptable. L'utilisation d'un langage cherchant à justifier l'usage de la force par un fonctionnaire chargé de mettre fin aux manifestations sur les place Rabia al-Adawiya et al Nahda expose clairement la gravité de la situation. Ces propos antidémocratiques donnent lieu à des préoccupations sur la poursuite des massacres. Nous ne devons pas oublier que l'appel lancé par le général Abdel Fattah al-Sisi avant les manifestations du 27 juillet habilitant "le peuple à descendre dans les rues contre la terreur et l'anarchie" est le produit de cette même mentalité. L'idée d'employer la violence pour neutraliser une partie des droits démocratiques de la société dans le but d'établir la sécurité de celle-ci est une violation flagrante des droits de l'homme universels.
L'incertitude sur Mohammed Morsi et les autres membres des Frères musulmans, illégalement détenus et soumis à plusieurs heures d'interrogatoire illégal au quotidien, est une autre source d'inquiétude. Il est inacceptable d'utiliser le fait de "considérer les idées comme inquiétantes et dangereuses" comme excuse pour "retirer les gens de leurs fonctions à main armée et les maintenir en détention dans un lieu inconnu". Même Hosni Moubarak, le dirigeant égyptien déchu, ne s'est jamais engagé dans de telles actions répressives et violentes contre les Frères musulmans.
Il serait important de rappeler ce fait, on peut ne pas soutenir Morsi et les Frères, et on peut même avoir des opinions totalement opposées aux leurs. Mais arrêter illégalement des représentants dûment élus et les garder ensuite en détention sur des accusations douteuses qui n'ont rien à voir avec la réalité est une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Même s'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes, les enquêtes doivent être menées de manière transparente et démocratique, conformément à la Constitution et aux préceptes du droit pénal que nous voyons dans les sociétés démocratiques.
Les États-Unis, l'UE et les pays du Golfe doivent examiner attentivement les politiques que la junte soutient ouvertement, car la prise de position des pays du Moyen-Orient en faveur de processus antidémocratiques les uns contre les autres mènera à une haine régionale sans fin, à la rancœur et aux conflits. Cela posera un dilemme insoluble pour les pays occidentaux et mènera à l'apparition d'un climat qui ne peut être apaisé. L'approche actuelle des pays du Golfe n'est pas en faveur de la démocratie, mais au contraire, vise à imposer de nouvelles dictatures sous une perspective totalitaire, et même sectaire. La transformation du Moyen-Orient en une région très instable endommagera les perspectives de paix, et qui à son tour, endommagera sévèrement tous les pays qui font des affaires et profitent des relations bilatérales avec la région.
A ce stade, les États-Unis et l'UE doivent suivre une politique plus active en Égypte. L'important pour l'Égypte n'est pas nécessairement le retour au pouvoir des Frères et que Morsi redevienne le leader: ce qui importe, c'est la fin immédiate de la violence, que les politiciens détenus soient libérés et que le peuple égyptien retourne aux urnes électorales par voies démocratiques. Ignorer l'apparition d'éléments radicaux tout en prétendant être totalement opposé à la croissance du radicalisme infligera également de grands dommages à l'Occident à long terme.
Rester silencieux face l'injustice en cours, à l'illégalité, à l'oppression et au massacre, se contentant de regarder à l'écart et de ne pas émettre de forts avertissements conduira inévitablement à s'interroger sur le titre de "berceau de la démocratie" de l'Occident. Cela entraînera à son tour une baisse de confiance en l'Occident à travers le monde et une perte de foi en la démocratie. Les États-Unis et l'UE vont certainement perdre dans de telles circonstances.
Les intermédiaires doivent s'impliquer en Égypte avant qu'il ne soit trop tard, et les actes de violence doivent prendre fin. Si cela n'est pas fait, il est probable que la junte augmente l'état de répression dans un avenir prévisible, fasse couler encore plus de sang et approfondisse encore plus les blessures. De la même manière, Morsi et les Frères musulmans doivent être convaincus, pour la santé démocratique et la sécurité du peuple égyptien, de ne pas insister à réassumer la direction par eux-mêmes. Comme en Tunisie, la voie doit être ouverte à l'établissement d'un gouvernement avec une participation plus large. A chaque point et dans chaque circonstance, les parties doivent être convaincues du fait que les demandes apporteront le maximum d'avantages et se rencontrer sur une base propice. Ce processus transitoire sera extrêmement positif pour démontrer que les Frères désirent sincèrement une démocratie avancée et une paix sociale.
Cet article est issu du journal Huffington Post :
http://www.huffingtonpost.com/harun-yahya/toward-a-solution-for-egy_b_3697332.html