Le monde doit agir avant qu’il ne soit trop tard
Le Myanmar, un pays d’Asie du Sud avec une population majoritairement bouddhiste, est aux prises avec la violence sectaire depuis de nombreuses années, mais récemment la violence contre les Rohingyas s’est intensifiée.
Juste aux cours des dernières semaines, des informations de violence de masse ont émergé du village de Duchiradan de Maungdaw, une zone proche de la frontière du Bangladesh, où la grande majorité de la population est rohingya.
Depuis le 13 janvier, des comptes rendus et rapports concernant des Rohigyas pris comme esclaves, ligotés, tués, coupés en morceaux et jetés dans le caniveau atteignent le monde; puis il y a eu les cas des femmes qui ont été violées et dont on a coupé les seins avant de les tuer, d’une grand-mère âgée de 103 ans et ses petits-enfants qui ont été abattus sous les yeux de la police, ainsi que des rafles d’hommes, de femmes et d’enfants de tous âges. Il y a aussi des rapports de témoins oculaires de cadavres enlevés par les forces de sécurité dans des camions pour être enterrés. Cependant, le gouvernement reconnaît seulement le meurtre d’un policier bouddhiste tout en niant les massacres de villageois rohingyas.
Bien que le gouvernement nie fortement sans qu’il n’y ait aucune enquête, l’enquête de l’ONU sur les récents incidents confirme que le massacre a eu lieu dans ce village. L’ONU a publié une déclaration selon laquelle il y avait des informations crédibles qu’au moins 48 personnes ont été tuées. Les autorités ont alors ordonné l’arrestation de tous les hommes et enfants de plus de 10 ans. Quatre mille Rohingyas vivant dans le village ont abandonné leur village et se sont enfuis. Les gens des villages autour ne les ont pas aidé car ils avaient reçu des instructions de ne pas les prendre en charge. Face à la menace de la faim, quelque 500 femmes et enfants ont été contraints de retourner dans leur village après les incidents. Cependant, 18 des 340 logements du village avaient été complètement brûlés, tandis que d’autres étaient à moitié brûlés, les maisons avaient été pillées et tous leurs biens, nourriture et animaux avaient été confisqués.
Les Nations Unies et de nombreuses organisations des droits de l’homme ont appelé le gouvernement du Myanmar à réaliser une enquête immédiate et indépendante sur les violences, encore l’incendie généralisée commencée par des foules locales dans les jours suivants dans le village de Duchiradan a rendu plus difficile la documentation sur les preuves du massacre.
Depuis que les violences ont éclaté dans l’Etat de Rakhine en juin 2012, des centaines de personnes ont été tuées, au moins 145.000 Rohingyas musulmans ont été déplacés, des dizaines de milliers de personnes sont dans un besoin désespéré d’aide humanitaire et un nombre semblable de personnes ont fui le pays.
Or cette violence a créé plus de personnes déplacées puisque le village abritait 4.000 habitants et est désormais complètement vide.
Un an et demi après le début de la violence contre les musulmans de Rakhine, les déplacés rohingyas n’ont toujours pas de logement adéquat, d’eau potable, d’assainissement et des soins de santé. Les organisations humanitaires ont un accès limité à la zone.
Le peuple rohingya est dans un état de peur, encore il n’y a rien qu’ils peuvent faire pour se protéger. Classés comme des étrangers par la législation de l’Etat birman, les Rohingyas ont été privés de leurs droits fondamentaux et des droits civils pendant des années. Ils n’ont pas le droit à l’éducation, à participer à l’économie, aux prestations de santé, au mariage et à la propriété. Ils n’ont aucun droit de faire des déclarations ou de se protéger. Ils n’ont aucune organisation pour parler en leur nom. Comme ils n’ont pas le droit à l’éducation, ils sont généralement peu instruits, ce qui rend encore plus difficile pour eux de faire entendre leur voix au monde. En outre, ils n’ont pas les moindres moyens technologiques pour atteindre le monde; en fait les Rohingyas sont le seul groupe ethnique au Myanmar qui n’est pas équipé pour se défendre.
Considérés comme des Bengalis par le Myanmar alors qu’ils ne sont pas accueillis par le Bangladesh, les Rohingyas se battent pour survivre en tant que “apatrides” dans la région. Compte tenu du fait que les deux pays nient leur existence même, les Rohingyas n’ont pas de document d’identité, et n’ont donc pas de droits à la citoyenneté. Tout comme leur présence, leur absence aussi ne peut être prouvée.
Malgré la difficulté de réunir des preuves après les incidents, les preuves des crimes contre les musulmans de l’Erat de Rakhine sont vastes. Les rapports de témoins sont nombreux. il y a aussi de nombreux rapports de viol systématique de femmes rohingyas, et aussi d’autres minorités ethniques du pays, aux mains des soldats ou des policiers birmans. Ce sont des rapports bien documentés, et Human Rights Watch a bien complété beaucoup d’entre eux.
Comme indiqué par les rapports de nombreuses organisations des droits de l’homme, le gouvernement du Myanmar est l’instigateur d’un programme de nettoyage ethnique contre la population civile musulmane dans ses frontières.
Pour éviter l’éradication systématique des musulmans de l’Etat de Rakhine, le gouvernement du Myanmar doit être poussé à poursuivre son processus de démocratisation et être assisté le long du chemin. Sa constitution de 1982 doit être reformée avec l’introduction d’un article accordant la citoyenneté aux Rohingyas.
Pendant ce temps, la communauté internationale doit assurer la sécurité de ces personnes en exhortant l’ONU à envoyer une force de maintien de la paix dans la région. En outre, pour les maintenir en contact avec le monde, les médias internationaux et les organisations d’aide humanitaire devraient avoir accès à la région. La situation des déplacés internes doit d’abord être améliorée, on doit ensuite leur donner des endroits plus appropriés pour le refuge.
Afin de mettre un terme immédiat à ces souffrances au Myanmar, il est bien sûr essentiel que le monde entier s’unisse pour montrer son opposition à l’oppression. Il est un fait connu, et qui a laissé des cicatrices profondes dans le passé, qu’une politique d’élimination de la population musulmane dans la région a été suivie pendant environ un siècle. A ce jour, les groupes extrémistes et les gangs qui encouragent la haine et l’oppression et qui incitent la communauté bouddhiste dans le pays contre la population musulmane suivent encore cette politique et cherchent à rendre le pays inhabitable pour les musulmans. Comme par le passé, l’objectif est d’éradiquer les musulmans de la province de Rakhine en intimidant et chassant la population musulmane.
Cependant, si tous les pays du monde, toutes les communautés internationales, les organisations des droits de l’homme et les personnes de bonne conscience suivent cette situation épouvantable de manière déterminée et persistante et ne ferment pas les yeux à la dissimulation de la vérité des faits, alors bien sûr, cette oppression prendra fin. Il ne faut pas oublier qu’un monde qui reste insouciant aux cris des persécutés entraînera l’intensification de l’oppression. Il s’agit donc de la plus grande urgence pour les Nations Unies, avec sa mission d’apporter la paix mondiale, et pour toutes les autorités habilitées à prendre des mesures de mettre fin au drame humain qui a lieu au Myanmar.
Article d’Adnan Oktar publié sur Al Arabiya - Farsi: