Pour comprendre l’importance de la Crimée pour la région et pour la paix mondiale, jetons un coup d’oeil dans l’histoire. Tout au long de l’histoire, la Crimée a été la cible de beaucoup de controverse, d’occupation et de concurrence en raison de son emplacement stratégique et a en effet connu de nombreuses guerres douloureuses en conséquence. Pendant le règne de l’Empire ottoman, la région a été appelée le Khanat de Crimée. Avec le commencement du déclin de l’Empire ottoman, la Russie est devenue plus intéressée par la région, et suite à la défaite des Ottomans dans la guerre russo-turque (1877-1878), les deux pays ont accepté l’autonomie du Khanat de Crimée. Mais des jours difficiles s’annonçaient pour les Tatars musulmans qui vivaient à proximité de la Russie.
D’abord, les habitants musulmans qui se méfiaient de la domination russe désireuse de remplacer l’Empire ottoman, ont été forcés d’immigrer en Anatolie. Mais le pire était à venir et en 1944, Staline a ordonné le retrait des Tatars de Crimée et leur réinstallation en Asie centrale. La moitié des personnes exilées de force sont mortes pendant le voyage en raison de la maladie et de la faim. Ensuite, le gouvernement communiste russe a installé des ressortissants ukrainiens et russes dans la région après que les musulmans aient été brutalement chassés de leurs maisons. Khrouchtchev, qui était aussi Ukrainien, a annexé la Crimée à l’Ukraine en 1954, et à partir de là, la démographie a changé de manière spectaculaire. La population russe a atteint 60%, avec 24% de Russes et le nombre de Tatars a baissé à 14%.
Après la dissolution de l’URSS, la Crimée a officiellement fait partie de l’Ukraine en tant que république autonome. La région a été l’objet de beaucoup de discussions récemment à cause des derniers incidents qui ont eu lieu en Ukraine. Après que le président pro-russe Victor Ianoukovitch ait fui le pays, la balance s’est penchée en faveur de l’Europe, et les tensions ont promptement éclaté parmi les Russes vivant dans la partie orientale du pays en particulier en Crimée. Le gouvernement russe encourage la population russe de la Crimée à se joindre à la Russie.
Cependant, il s’agit d’une décision très importante en particulier pour les Turcs de Crimée; ils étaient déjà minoritaires avant, ils seront maintenant légitimement concernés s’ils se joignent à la Russie, leur démocratie déjà paralysée et la situation des droits de l’homme souffriront encore plus. Aujourd’hui les musulmans sont particulièrement préoccupés par la possibilité que les Russes de Crimée adoptent une résolution qui permettrait à la Crimée de rompe avec l’Ukraine. (Les Russes considèrent la région comme stratégiquement importante en raison de leur flotte dans la mer Noire. La base de Sépastopol qui a été louée pour 49 ans pendant le gouvernement pro-russe, est l’installation navale la plus stratégique dans la région de la mer Noire).
Les problèmes en Russie découlent de la distinction claire entre l’Est et l’Ouest de l’Ukraine: l’Ukraine occidentale est catholique et proche de l’UE tandis que l’Est de l’Ukraine est orthodoxe et proche de la Russie. La Crimée est presque entièrement peuplée par une majorité russe en raison du changement de démographie après la réinstallation forcée des Tatars musulmans en Asie centrale. Il est clair que cette division indésirable ne profiterait qu’à la Russie mais les Tatars de Crimée, ayant perdu leur population et leur influence sur leur propre sol, seront les grands perdants. L’ignorance des demandes de l’Ukraine de l’Est par l’opposition pro-occidentale et de même, l’ignorance des demandes de l’Ukraine occidentale par les partisans du gouvernement ne serviront à rien d’autre qu’à nuire encore plus au pays. Les choses iraient mieux plus vite si l’Ukraine adoptait un modèle qui considérait les différences comme une source de force plutôt que comme une raison de division et cherchait des alliances économiques et culturelles avec l’Union européenne/les Etats-Unis et la Russie.
Cela fut la stratégie et la politique de la Turquie envers la région de laquelle elle se sent historiquement responsable et associée. Le gouvernement turc soutient que la région de Crimée doit rester une partie de l’Ukraine et que l’intégrité territoriale du pays doit être préservée et elle encourage une approche fondée sur le dialogue entre l’Ukraine et les autres pays. Les deux pays les plus importants de la mer Noire, la Russie et la Turquie, ont développé et joui de très bonnes relations au cours de ces dernières années. Par conséquent, toute solution adoptée devrait inclure la Russie. Et très certainement, l’Ukraine ne devrait pas être victime de la concurrence entre l’Europe et la Russie. La même chose vaut pour la Crimée, si le Parlement de Crimée passe hâtivement à une résolution de rompre avec l’Ukraine, les choses tourneront tout simplement au pire et une intervention militaire de la Russie ne ferait que pousser le pays dans un conflit. En effet, les plus récentes mesures prises par le personnel militaire russe en Crimée n’ont qu’enflammé les choses.
La solution doit être une solution de paix et d’amour qui n’exclut ni la Russie, ni l’Union européenne. Le Moyen-Orient, le Caucase, l’Europe de l’Est ont connu un bon nombre de guerres dans leur récente histoire. Pour établir la paix pour tout le monde, une union doit être immédiatement fondée au coeur de la région et l’Ukraine et la Russie devraient être introduites dans cette union dans leur forme intégrale actuelle. La fédération de Russie doit jouer un rôle actif, agir en coordination avec la Turquie et conduire en avant les pays qui faisaient auparavant partie de l’URSS dans cette voie de la paix. Cela est important parce que cette union sera un système qui embrassera tout le monde quelles que soient les idées de ses membres, leur montrera de la compassion et assurera la paix et le bien-être de tous.
Seule cette union qui englobera tous les pays de la région pourra apporter une véritable atmosphère de paix et d’amour. Une telle union est la seule solution aux problèmes actuels et à l’effusion de sang dans la région.
Article de M. Adnan Oktar sur Harakah Daily: