Le référendum du 16 avril a été perçu comme la confrontation de deux idées opposées, ce qui fut aussi le cas aux élections générales. Alors que certaines personnes craignent que la démocratie de la Turquie prenne un coup, d’autres craignent que les conservateurs finissent par être persécutés comme dans les années 90. Ces deux arguments ont une part de vérité.
Les changements constitutionnels qui convertiront le système parlementaire de la Turquie en système présidentiel (un nouveau système où le président sera autorisé à être affilié à un parti politique) ont été approuvés par un référendum. Celui-ci entraînera des changements dans dix-huit articles de la Constitution, modifiera les pouvoirs du président, mettra fin au poste de Premier ministre et donnera au président le pouvoir de nommer les membres du Conseil des ministres. De plus, le nombre de députés augmentera à six cents. Tous les changements introduits par le référendum entreront en vigueur avec les élections présidentielles et générales qui se tiendront en tandem le 3 novembre 2019.
Certainement, le fait que ce soit une victoire étroite pour le camp du «oui» donne des messages importants. Les résultats montrent clairement une fois de plus que le peuple est encore profondément méfiant vis-à-vis de la perspective du «fédéralisme». Seulement quelques jours avant le référendum, deux conseillers présidentiels ont mentionné le «fédéralisme», ce qui a beaucoup troublé le peuple. Beaucoup d’analystes croient que malgré ces déclarations rejetées avec véhémence par le président et le Premier ministre, les remarques de dernière minute ont abaissé les résultats de 2 à 3% le 16 avril.
Le référendum du 16 avril a été perçu comme la confrontation de deux idées opposées, ce qui fut aussi le cas aux élections générales. Alors que certaines personnes craignent que la démocratie de la Turquie prenne un coup, d’autres craignent que les conservateurs finissent par être persécutés comme dans les années 90. Ces deux arguments ont une part de vérité.
La Turquie est un pays démocratique et musulman. C’est l’un des rares pays du monde et le seul pays musulman à avoir le mot «laïc» dans sa Constitution. Nous sommes fiers et avons la bénédiction de vivre dans un pays démocratique depuis 94 ans. Ces concepts ont contribué à empêcher la Turquie de tomber dans le fléau de la bigoterie et du radicalisme comme cela fut le cas pour certains pays du Moyen-Orient.
Malgré tous ces faits, certains cercles ont cherché à bafouer l’excellente démocratie et la liberté introduites par Ataturk, le fondateur de la Turquie moderne, et à persécuter les personnes religieuses. En conséquence, des coups d’Etat militaires ont eu lieu, les personnes religieuses ont été inscrites sur la liste noire et la Turquie est passée par des périodes qui n’étaient certainement pas dignes d’une démocratie.
Actuellement, les religieux s’inquiètent du retour des anciens jours, et c’est pourquoi ils gardent leur distance avec le CHP, principal parti de l’opposition et ont du mal à croire à leurs promesses.
Quant à l’autre 50% ; comme dans tous les autres pays, il y a un petit groupe de radicaux en Turquie qui parviennent toujours à faire entendre leur voix. Leurs remarques occasionnelles perturbent à juste titre notre peuple qui se méfie de l’horrible mentalité du radicalisme. Ce terrible état d’esprit qui s’oppose à la liberté de la femme de choisir sa tenue vestimentaire, qui s’oppose aux arts et à la musique, dérange sérieusement des millions de personnes qui veulent protéger la démocratie que Ataturk a tant lutté pour établir. Malheureusement, l’agression verbale troublante de ces radicaux est parfois attribuée à toutes les personnes religieuses et le gouvernement de droite ne peut échapper à avoir un certain reproche. La situation influe sur l’AKP et le prive des votes des villes côtières de la Turquie ; c’est une fois de plus ce qui s’est passé lors du référendum du 16 avril.
C’est la raison pour laquelle la Turquie est fortement divisée en deux à chaque élection. A moins que les deux parties travaillent sur leurs pratiques et leurs propos, la situation ne semble pas près de changer rapidement.
Mais alors, qu’est-ce qui doit changer?
Le principal parti d’opposition doit changer sa façon de mener la politique. Le fait de rendre fautive l’autre partie peut ébranler la confiance du public pour celui-ci mais cette méthode ne permettra pas d’attirer les gens vers l’opposition. Au lieu de cela, le principal parti d’opposition devrait opter pour une méthode où ils répondront aux préoccupations des autres 50% qu’ils ne semblent pas gagner. Le CHP peut très bien afficher une attitude protectrice vis-à-vis des valeurs conservatrices tout en continuant à s’opposer à la mentalité radicale. Ils peuvent affirmer ouvertement que les libertés et la démocratie sont prônées par le vrai Islam et garantir à la population religieuse qu’ils ne seront plus jamais victimes. De cette façon, ils pourront dissiper ces craintes dans une large mesure.
De même, si le parti au pouvoir critique et condamne explicitement la mentalité des radicaux, montre à chaque occasion combien la démocratie, la laïcité et la liberté sont les principes les plus fondamentaux et indispensables de notre pays, défend efficacement la modernité, l’art, la science, les libertés, qui sont loués et encouragés par notre religion et met en avant les femmes, peu importe leur choix vestimentaire moderne ou conservateurs, alors il pourra gagner les laïcs. Il est vrai que le parti au pouvoir s’efforce activement à cette fin, mais la population s’attend toujours à ce qu’il y ait quelque chose de plus concret.
La démocratie est la pluralité et c’est une bénédiction. Cependant, une telle division nette dans un pays est un risque en particulier pour les pays comme la Turquie. Il est essentiel de maintenir la stabilité en Turquie, qui est l’un des alliés les plus importants des Etats-Unis dans la région et le seul pays musulman de l’OTAN. Nous espérons que les prochains jours s’accompagneront de politiques qui mettront fin à cette polarisation et allégeront ces craintes persistantes.