Le monde composé de signaux électriques
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Le monde composé de signaux électriques

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Toutes les informations que nous possédons sur le monde dans lequel nous vivons nous sont transmises par nos cinq sens. Le monde que nous connaissons consiste en ce que notre œil voit, notre main touche, notre nez sent, notre langue goûte et notre oreille entend. De nombreux gens ne pensent jamais que le monde "extérieur" puisse être autre que ce que nos sens nous présentent puisque depuis le jour de notre naissance nous n'avons compté que sur ces sens.

La recherche moderne dans différents domaines de la science amène, cependant, à une compréhension très différente et sème sérieusement le doute sur nos sens et sur le monde que nous percevons grâce à eux.

Le point de départ de cette approche est que la notion du monde "extérieur" telle qu'elle est fixée dans notre cerveau est uniquement une réponse créée dans notre cerveau par des signaux électriques. L'information que vous avez sur la couleur rouge de la pomme, la dureté du bois, votre mère, votre famille et tout ce que vous possédez, votre maison, votre travail, et les lignes de ce livre, ne sont composés que de signaux électriques.

En d'autres mots, nous ne pouvons jamais savoir la vraie couleur de la pomme au monde extérieur, ni la vraie structure du bois, ni la vraie apparence de nos parents et de ceux que nous aimons. Ils existent tous au monde extérieur en tant que créations d'Allah, mais nous  ne pouvons avoir une expérience directe qu'avec leurs copies dans nos cerveaux tant que nous vivons.

Afin d'apporter une lumière sur ce sujet, nous devons reconsidérer nos cinq sens, les sources d'informations sur le monde extérieur.

Comment est-ce que nous voyons, entendons et dégustons ?

La vision se fait par voie très progressive. Les photons qui voyagent de l'objet à l'œil passent par la lentille à l'avant de l'œil où ils se réfractent et s'inversent sur la rétine au fond de l'œil. Là, les stimuli visuels sont transformés en signaux électriques qui sont transmis par les neurones à un lieu minuscule appelé le centre de la vue, situé à l’arrière du cerveau. Ce signal électrique est perçu, par ce centre dans le cerveau, comme une image après une série de procédés. La vision a lieu réellement dans ce lieu minuscule, sombre et complètement isolé de la lumière, situé à l'arrière du cerveau.

Maintenant, reconsidérons ce procédé apparemment ordinaire et insignifiant. Lorsque nous disons que "nous voyons", nous voyons, en fait, les effets des impulsions qui atteignent notre œil et qui sont induites dans notre cerveau après leur transformation en signaux électriques. C'est-à-dire, quand nous disons que "nous voyons", nous sommes, en fait, en train d'observer des signaux électriques dans notre esprit.

Toutes les images que nous percevons sont formées dans notre centre de vision, qui occupe seulement quelques centimètres cubes du volume du cerveau. Le livre que vous lisez maintenant ainsi que le paysage infini que vous voyez quand vous contemplez l'horizon tiennent dans cet espace minuscule. Rappelez-vous que le cerveau, comme nous l'avons précédemment dit, est isolé de la lumière ; son intérieur est absolument obscur. Le cerveau lui-même n'a aucun contact avec la lumière qui existe à l'extérieur.

Nous pouvons illustrer ce paradoxe intéressant par un exemple. Supposons qu'il y ait une bougie brûlant devant nous. Nous pouvons nous asseoir devant cette bougie et la surveiller longtemps. Cependant, pendant tout ce temps, notre cerveau ne sera jamais en contact direct avec la lumière originale de la bougie. Même lorsque nous regardons la lumière de la bougie, l'intérieur de notre cerveau reste dans l'obscurité totale. Nous regardons un monde lumineux et plein de couleurs à l'intérieur d'un cerveau sombre.

R. L. Gregory donne l'explication suivante sur l'aspect miraculeux de la vue, un fait qui va de soi pour nous tous :

"Nous sommes si habitués à la vue, qu'il nous semble inimaginable de réaliser qu'il y a des problèmes à résoudre. Mais réfléchissons-y. Nous recevons de minuscules images tordues et inversées dans l'œil et nous voyons des objets séparés et solides dans notre entourage. A partir de simulation dans les rétines, nous percevons le monde des objets, et ceci n'est pas loin du miracle." (R.L.Gregory, Eye and Brain: The Psychology of Seeing, Oxford University Press Inc. New York, 1990, p. 9.)

Le même schéma s'applique à tous nos autres sens. L'ouïe, le toucher, le goût et l'odorat sont tous transmis au cerveau comme signaux électriques et sont perçus dans les centres correspondants dans le cerveau.

L'ouïe se matérialise de la même façon. Le pavillon auriculaire dans l'oreille externe capte les sons disponibles et les dirige vers l'oreille moyenne ; l'oreille moyenne transmet les vibrations sonores à l'oreille interne en les intensifiant ; l'oreille interne envoie ces vibrations au cerveau en les transformant en signaux électriques. Tout comme les images, les sons finissent dans le centre auditif du cerveau. Le cerveau est isolé des sons exactement comme il l'est de la lumière. Ainsi, quel que soit le bruit à l'extérieur, l'intérieur du cerveau est complètement silencieux.

Néanmoins, même les sons les plus faibles sont perçus par celui-ci. La précision est telle que l'oreille d'une personne saine entend tout sans aucune interférence ou bruit atmosphérique. Dans votre cerveau, isolé des sons, vous écoutez les symphonies jouées par un orchestre, vous entendez tous les bruits émis par une foule et percevez, dans une large fréquence, tous les sons variant du frémissement d'une feuille au rugissement d'un avion à réacteurs. Cependant, si le niveau sonore dans votre cerveau devait être mesuré par un dispositif sensible à ce moment précis, on remarquerait qu'un silence complet y règne.

Notre perception de l'odeur s'effectue de la même manière. Les molécules volatiles émises par des choses telles que la vanille ou la rose atteignent les récepteurs dans les poils délicats situés dans l'épithélium nasal et s'impliquent dans une interaction. Cette interaction est transmise au cerveau sous la forme de signaux électriques qui sont perçus comme odeur. Tout ce que nous sentons, que ce soit bon ou mauvais, n'est autre que la perception du cerveau des interactions de molécules volatiles après leur transformation en signaux électriques. Vous percevez dans votre cerveau l'odeur d'un parfum, d'une nourriture, d'une fleur que vous aimez, de la mer ou d'autres odeurs que vous aimez ou détestez. Les molécules, elles-mêmes, n'atteignent jamais le cerveau. A l'instar de l'ouïe et de la vision, ce ne sont que les signaux électriques qui atteignent votre cerveau. Autrement dit, toutes les odeurs que vous aviez attribuées à des objets extérieurs depuis votre naissance ne sont que des signaux électriques que vous sentez grâce à vos organes sensoriels. Vous ne pouvez jamais avoir une expérience directe de la vraie nature d'une odeur dans le monde extérieur.

Parallèlement, il y a quatre types différents de récepteurs chimiques sur le bout de votre langue qui vous permettent de percevoir le goût du salé, du sucré, de l’aigre, et de l’amer. Après une chaîne de procédés chimiques, les papilles gustatives transforment ces perceptions en signaux électriques et les transmettent au cerveau. Ces signaux sont perçus comme des goûts par le cerveau. Le goût que vous obtenez quand vous mangez une barre de chocolat ou un fruit que vous aimez correspond à l'interprétation de signaux électriques par le cerveau. Vous ne pouvez jamais atteindre l'objet à l'extérieur, vous ne pouvez jamais voir, sentir ni déguster le chocolat en soi. Par exemple, si les terminaisons nerveuses gustatives qui voyagent jusqu'à votre cerveau étaient rompues, rien de ce vous mangeriez à ce moment-là n'atteindrait votre cerveau ; vous perdriez complètement le sens du goût.

A ce stade, nous constatons un autre fait. Nous ne pouvons jamais être sûrs de la similitude entre ce que nous ressentons quand nous dégustons une nourriture et ce qu'une autre personne ressent quand elle déguste cette même nourriture, ou entre ce que nous percevons quand nous entendons une voix et ce qu'une autre personne perçoit quand elle entend celle-ci. A ce sujet, Lincoln Barnett dit que "personne ne peut savoir si une autre personne perçoit la couleur rouge ou entend la note do central de la même façon que lui-même les perçoit." (Lincoln Barnett, The Universe and Dr. Einstein, William Sloane Associate, New York, 1948, p. 20)

Notre sens du toucher n'est pas différent des autres sens. Quand nous manipulons un objet, toutes les informations susceptibles de nous aider à reconnaître cet objet sont transmises au cerveau par les nerfs sensoriels qui se trouvent sur la peau. La sensation du toucher se constitue dans notre cerveau. Contrairement à la croyance générale, l'endroit où nous percevons le sens du toucher n'est pas situé sur notre peau ou sur le bout de nos doigts mais plutôt au centre tactile situé dans notre cerveau. Nous ressentons différentes sensations relatives à certains objets tels que la dureté ou la douceur, la chaleur ou le froid. Ceci résulte de l'évaluation du cerveau des stimulations électriques émanant de la peau. Nous dérivons tous les détails qui nous aident à reconnaître un objet à partir de ces stimulations. A propos de ce fait important, méditons sur les pensées de deux célèbres philosophes, B. Russell et L. J. J. Wittgeinstein :

"Par exemple, nous ne pouvons pas nous demander ni étudier si le citron existe véritablement ou pas, ni savoir comment il est apparu. Un citron consiste simplement en un goût senti par la langue, une odeur sentie par le nez, une couleur et forme senties par l'œil, et ce sont seulement ces caractéristiques qui peuvent se prêter à l'étude et l'évaluation. La science ne peut jamais connaître le monde physique." (Orhan Hançerlioðlu, Düþünce Tarihi, Istanbul: Remzi Kitabevi, 6ème éd., septembre 1995, p. 447)

Il nous est impossible d'atteindre l'original du monde physique à l'extérieur de notre cerveau. Tous les objets qui nous entourent sont un ensemble de perceptions telles que la vue, l'ouïe, et le toucher. Durant toute notre vie, notre cerveau, en traitant les données dans le centre de vision et dans d'autres centres sensoriels, ne confronte pas l'"original" de la matière qui existe à l'extérieur mais plutôt la copie qui en est faite à l'intérieur de notre cerveau. Nous ne pouvons jamais connaître comment sont les formes originales de ces copies.

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